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30 août 2022 2 30 /08 /août /2022 07:50

Orner pour signifier, en France avant 1350

 

 

Le décor peint de la maison médiévale Orner pour signifier, en France avant 1350

 

 

Résumé :

 

  « Cet ouvrage présente une vue d'ensemble de la peinture murale figurative dans l'habitat médiéval en France avant les années 1350, lesquelles sont marquées par le début de la guerre de Cent Ans. Ce vaste sujet a été nourri par de nombreuses découvertes récentes, en grande partie dues à l'essor de l'archéologie du bâti dans les dernières décennies et la plupart effectuées dans des habitations privées, peu accessibles au public. 
  A travers l'organisation du décor, son emplacement, les thèmes choisis, l'auteur révèle l'atmosphère que pouvait dégager l'intérieur d'une maison médiévale. Les nombreux décors mis au jour en France, dont le plus fameux est sans doute celui de la tour Ferrande (Vaucluse), permettent de mettre en lumière les thématiques abordées, lesquelles font une large place au mode de vie aristocratique. Les commanditaires s'y réfèrent volontiers, quel que soit leur milieu social. 
  La riche iconographie rassemblée pour illustrer ce panorama permet d'appréhender la diversité des solutions adoptées par les décors conservés dans les maisons tant urbaines que rurales. Renouvelant la connaissance du décor peint ainsi que la compréhension de la société médiévale des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, l'auteur laisse entrevoir la vie des élites médiévales, nous faisant toucher du doigt un aspect culturel intime et méconnu de la sphère laïque. »

 

 

Présentation de l'auteur :

 

   Térence Le Deschault de Monredon a étudié la philosophie et l'histoire de l'art à l'université de Paris-Sorbonne. Docteur ès lettres de l'université de Genève, il est spécialiste notamment de la peinture murale civile. Il a publié de nombreux articles sur le sujet, en vue de renouveler l'interprétation de programmes iconographiques importants, tout en mettant en lumière la portée méconnue du décor de la maison médiévale.

 

 

 

Mon avis :

La couleur, c'est la vie !

 

  En ce blog, depuis de nombreuses années, je vous montre des ruines donc les murs sont "couleur pierre". Même les châteaux "entiers" (d'origine médiévale bien sur) arborent des parois grises avec parfois des tableaux ou des sculptures récentes.

  Il est vrai que parfois, je vous ai décrit des construction médiévales défensives avec des murs peints comme à Avully en Haute Savoie, à Chillon en Suisse ou au Palazzo Vecchio en Italie. Mais ma modeste analyse ne fut que pour l'architecture et non les décors peints.

  Grâce à ce livre, je commence à comprendre le "besoin" de décorer les murs au lieu de poser des tentures. Mais surtout, j'ai pris conscience que chaque "dessin" porte une signification aussi bien sur le thème choisi que l'emplacement (la pièce et le coté du mur).

  Bien que ce livre soit la synthèse de sa thèse doctorale, les 351 pages se lisent (presque) comme un roman. Un nouveau Moyen Âge (celui des hommes) se révèle à moi.

 

Nota :

J'ai rencontré l'auteur durant sa brillante conférence sur la maison forte de Theys. Bien qu'à la fin de la présentation notre conversation fut courte, j'ai compris le travail qu'il me reste à faire pour comprendre "les décors peints". Pour me motiver, Thérence m'a gratifié d'une dédicace..... chevaleresque !

 

 

 

L'avis de Pierre Garrigou Grandchamps :

  Le dessein de l’auteur n’est pas d’ordre esthétique, ni même iconographique : Le titre indique bien le sens de sa quête, qui vise à mettre en lumière les intentions des commanditaires, donc à sonder leurs motivations culturelles, afin d’éclairer les conditions de la conception et de l’élaboration des œuvres.
  Ce livre se déploie en quatre parties.

* La première est intitulée « Contexte et matérialité du décor peint ».

  C’est le lieu d’expliquer la nature des décors retenus, qui doivent être figuratifs, historiés mais aussi héraldiques. Ceux-ci ne pouvaient être omis, tant le recours à ce moyen d’expression est universel : dès l’abord, en expliquant les raisons de ce choix, l’auteur dévoile l’arrière-plan de son entreprise. Les causes de cette universalité du recours à l’héraldique touchent en effet à une préoccupation essentielle de l’homme médiéval : La recherche de la distinction, au plan individuel, pour l’honneur de son lignage et pour la mise en valeur de ses alliances comme de ses adversaires, renvoyant ainsi à un système de valeurs et à des idéaux aristocratiques, adoptés progressivement par les couches supérieures de la bourgeoisie et le clergé qui en provient. Envisageant ensuite le décor peint dans l’architecture, T. Le Deschault de Monredon livre plusieurs réflexions méthodologiques incitant à la prudence dans les conclusions à tirer de l’étude d’un décor : La typologie des décors ne suffit pas pour déterminer l’appartenance sociale d’un commanditaire, chacun imitant le niveau supérieur; La mise en relation entre un décor et la fonction d’une pièce paraît délicate, du moins pour qui souhaite établir systématiquement une corrélation entre un type de décor et une pièce à programme déterminé (salle, chambre, etc...); Enfin il ne faudrait pas imaginer que seules les pièces principales ou les plus grandes sont pourvues de compositions décoratives historiées ou héraldiques : Il en est dans des petites pièces, et même parfois dans des rez-de-chaussée, voir dans des extérieurs. Nous le suivons dans cette incitation à la prudence, tout en suggérant de ne pas tomber, symétriquement, dans un hyper criticisme : Comme l’auteur le démontrera, les décors parlent de l’art d’habiter. La grande salle et la (ou les) principale(s) chambre(s) sont bien des lieux privilégiés, généralement situés à l’étage. Cette partie s’achève par des considérations sur la structuration des décors (le plus souvent sur trois registres), sur l’importance accordée aux décors des pignons s’élevant haut sous une charpente apparente, qui offrent de vastes surfaces propices à la représentation de scènes amples, et sur les partis d’accompagnement, frises, draperies et bandes. Pour autant, la frise est aussi le cadre qui se prête aux armoriaux et aux épisodes narratifs composant un récit (celui-ci étant parfois segmenté dans des suites de médaillons ou de formes polylobées) prend place ici une évocation intéressante de ce choix de mise en scène avec les représentations proposées par les sceaux. Les combinaisons de formes, frise et scènes peintes sur un pignon-fronton, ou bien frise et insertion d’épisodes dans un tapis peint mural révèlent une adaptation raisonnée des cadrages aux intentions, telles l’unité d’action ou bien la mise en évidence de hiérarchies. En contrepoint, l’auteur n’oublie pas les plafonds peints à scènes historiées et héraldiques, dont le développement fut si remarquable du xiiie au xve siècle, mais ne leur accorde qu’un rôle secondaire dans la mise en forme décorative des espaces, une fonction « marginale », au sens premier du terme, comme celles des realia et des drôleries dans les manuscrits. Ce point sera peut-être à discuter, au fur et à mesure que seront publiés les résultats des études en cours sur les plafonds peints médiévaux.

* La deuxième partie reprend, en les développant, les thèmes abordés dans l’article sur la tour Ferrande.

* La troisième partie est thématique, elle aborde successivement les thèmes guerriers, dont le corpus est très fourni, puis les autres thèmes (la chasse, la musique et la danse, les scènes courtoises et religieuses, les exempla et les allégories). En conclusion sont évoqués des thèmes importants, mais non documentés en France, telles « La roue de Fortune », les occupations des mois, l’astrologie et les scènes vétérotestamentaires, ce qui donne l’occasion à l’auteur de mettre à contribution de remarquables décors anglais (Longthorpe Tower à Peterborough), espagnol (château d’Alcaniz, palais de Barcelone), italiens (châteaux de Bassano del Grappa et Rodengo, édifice canonial à Suse), allemand (maison à Constance) et suisses (maisons à Fribourg et Zürich), qui montrent l’étendue de la documentation examinée par l’auteur, effort indispensable pour compenser la carence du corpus français. Chemin faisant, l’auteur démontre, une fois de plus, l’illusion des délimitations strictes entre culture religieuse et culture profane : beaucoup de décors à thèmes guerriers et héraldiques ne se trouvent- ils pas dans des églises et plus encore dans des maisons de clercs ? La parenté des origines sociales se doublait donc d’une revendication par ceux-ci des idéaux aristocratiques – ce qu’une prise en compte plus marquée des décors du milieu avignonnais eût amplement confirmé. Sont ici essentiellement convoqués ceux des appartements du Pape, dont les hautes significations théologiques et l’illustration de la suprématie pontificale seraient à lire en arrière- plan de représentations conformes à l’esprit du temps. Les pages dédiées à l’articulation entre culture chevaleresque, empreinte de spiritualité chrétienne, et culture courtoise sont également bien inspirées et éclairantes. Enfin est encore soulignée l’évolution des goûts, qui porte à plus représenter des animaux seuls, pour eux- mêmes, à partir des années 1340, comme à développer les représentations de scènes de chasse, également vers le milieu du xive siècle, leur donnant une valeur auparavant accaparée par les thèmes guerriers, plus signifiants dans l’affirmation des hiérarchies. Au total, l’auteur constate que les scènes religieuses sont plutôt rares – ce qui contrebat le poncif de l’inspiration religieuse universelle de l’art médiéval – tandis qu’il propose des interprétations mesurées des scènes courtoises, évitant toute surinterprétation et restant « en équilibre » sur les terres de l’érotisme.

* La dernière partie, « Vers une chronologie des décors peints », expose une méthode rigoureuse qui exploite toutes les sources possibles pour proposer des datations bien fondées. Plus intéressantes que l’évocation des indices archéologiques et archéométriques, puis de la fondamentale héraldique, dont les apports sont bien connus, est le recours aux informations fournies par l’évolution du costume, et surtout de l’armement, matière difficile à laquelle l’auteur consacre un chapitre très argumenté, se risquant à proposer une grille de critères datants par tiers, puis quart de siècle. L’entreprise est courageuse, qui affine beaucoup les datations en les affranchissant des risques d’une appréciation fondée sur l’emprise des grands courants stylistiques pour les appuyer sur des faits matériels, constitués en tant que fossiles directeurs.


 Resterons-nous sur ce registre laudatif, qui a souhaité mettre en relief des apports marquants ? Il est vrai que l’ouvrage souffre de la médiocre qualité de beaucoup de reproductions en couleurs. Par ailleurs le corpus (p. 291-325), composé principalement de 55 édifices dont sont données de courtes monographies, est incomplet, mais pouvait- il en être autrement ? Beaucoup de décors armoriés sont inédits (à Pommard) ou publiés de façon confidentielle (à Bayeux et à Metz), tandis que ceux de Villeneuve-lès-Avignon sont curieusement ignorés. L’absence de prise en compte des plafonds a également été soulignée et se discute, notamment du fait de l’importance des armoriaux qu’ils portent. Aussi la géographie artistique proposée in fine n’a-t-elle qu’une valeur indicative et temporaire. Elle met néanmoins en valeur, sans surprise, l’influence de Paris et plus généralement de l’Île-de-France.
Ce livre est le premier ouvrage aussi méthodique sur le sujet : il traite aussi bien de tous les aspects techniques de la réalisation, que de l’organisation interne de la maison en rapport avec la structuration des décors, que des thématiques et des représentions mentales. À cet égard, il invite à un véritable voyage intérieur, dans les mentalités et les mœurs de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie médiévales : le ton de cette quête, animée d’un désir de compréhension empathique, n’est pas l’aspect le moins original de ce livre attachant. L’entreprise est fondée sur une culture d’une vigoureuse diversité, qui mêle à l’envi, et avec autant de brio que de pertinence, les apports de l’héraldique et de la sigillographie, de la connaissance matérielle des objets et de l’iconographie, de la littérature médiévale et des études étrangères. De fait, la bibliographie ne mérite que des louanges pour sa richesse, notamment par ses nombreuses références aux publications concernant les pays voisins.
  Cette étude très bien charpentée et abondamment documentée contribue à la réhabilitation de l’importance, dans le paysage architectural médiéval, des décors peints profanes exécutés dans des constructions civiles, dont la grande qualité devient mieux perceptible, en dépit de leur état le plus souvent très mutilé. C’est aussi une contribution importante au tableau des mœurs, dont une bonne compréhension est nécessaire pour saisir dans sa complétude l’art d’habiter, composante fondamentale de toute civilisation..

 

 

 

 

 

 

 

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